Samedi 31 mai 2014, le « Collectif citoyen face à l’imposture politique et la diffusion des idées d’extrême droite » organisait à Nice une conférence-débat sur le thème « Passerelles et confusion – Hier et aujourd’hui, quelles passerelles entre l’extrême droite et la « gauche nationaliste » ? En quoi la confusion est-elle nécessaire à l’extrême droite, comme elle le fut dans les années vingt et trente en Europe ? ».
Trois historiens nous ont fait l’honneur et le plaisir de participer à cet événement : Shlomo Sand, professeur à l’Université de Tel-Aviv ; Yvan Gastaut, enseignant à l’université de Nice et spécialiste de l’histoire des immigrations ; et Jean-Paul Gautier, spécialiste de l’histoire des extrêmes droites en France et coauteur de La Galaxie Dieudonné (2011, éd.Syllepse).
En introduction, Richard Desserme, un des animateurs du collectif, a présenté l’historique du collectif et les raisons qui nous ont amené à organiser cette conférence-débat : une inquiétude face à des passerelles qui se créent entre les extrêmes droites et des individus/mouvements qui se réclament de la Gauche tout en proposant un repli nationaliste, tout cela dans une période marquée par la confusion politique et une extrême droite à l’offensive.
La conférence-débat a été organisé en trois temps :
Tout d’abord, Yvan Gastaut et Shlomo Sand sont intervenus, à deux voix, sur les deux premiers thèmes de la conférence : les « Passerelles et confusion dans l’histoire » et « Sommes-nous dans les années trente ? ». Avec des différences d’analyses, notamment sur l’existence d’un « fascisme français », les deux intervenants ont mis en avant l’existence d’une longue histoire de ces passerelles depuis la fin du XIXème siècle tout particulièrement dans les périodes de crise politique et/ou économique toujours très propices à la confusion idéologique et au détournement des concepts politiques.
On pourra retenir trois choses de ces introductions :
-la généalogie du fascisme au début du XXème siècle n’est pas pensable en dehors de ces « passerelles et confusion ». Mussolini est à l’origine une figure du socialisme italien et c’est le choc de la Première Guerre mondiale qui le poussera à réinterpréter des catégories de gauche dans une optique nationaliste. Des évolutions de ce type là existeront aussi dans les années trente en France, notamment à travers le personnage de Jacques Doriot, un communiste qui dérivera progressivement vers le fascisme à partir de 1934 pour terminer dans l’ultra-collaborationnisme.
-la confusion qui existe dans une partie de la gauche et qui favorise la droite extrême et l’extrême droite (Shlomo Sand parle de « droite nationale ») est une des conséquences de la défaite idéologique et culturelle de la gauche. Ainsi, la gauche socialiste a ouvert la porte à la « droite nationale » à partir du moment où elle s’est mise à attaquer l’immigration en attaquant l’islam sous couvert de laïcité. Depuis les années soixante-dix, la gauche a perdu l’hégémonie culturelle et c’est un élément important des confusions actuelles.
-Même si nous ne sommes pas dans une situation identique aux années trente, il existe de nombreuses analogies avec cette période : une crise économique majeure et systémique, une crise politique avec la généralisation du « tous pourris », l’identification d’ennemis avec le parallèle antisémitisme/islamophobie et une pensée « décliniste » sur l’avenir de l’Europe. C’est dans ce contexte que se font les passerelles et les confusions d’aujourd’hui.
Ces deux interventions ont été suivies d’un riche débat qui a permis à chacun-e de s’exprimer et aux intervenants de préciser certains points de leur intervention.
Le troisième temps à été consacré à une présentation exhaustive par Jean-Paul Gautier de la « galaxie » Soral-Dieudonné qui se réunit autour du slogan « Gauche du travail et Droite des valeurs ». Ce spécialiste des extrêmes droites en France a bien mis en valeur les grands thèmes autour desquels s’était constitué cette « galaxie » : nationalisme, négationnisme, antisémitisme et conspirationnisme, le tout s’amalgamant dans une bouillie idéologique infâme qui prétend fournir une clé de lecture globale de l’Histoire. Cette « galaxie » est très présente sur internet qu’elle utilise très efficacement et à un certain impact dans la jeunesse.
Cette conférence-débat a été un succès à la fois par son contenu mais aussi par son audience avec la participation d’environ 160 citoyen-ne-s. A cette occasion, le collectif a élargi sa liste de diffusion à plusieurs dizaines de personnes, montrant par là que ce thème de réflexion est loin d’être épuisé et devra continuer à être travaillé dans la période qui s’ouvre après les élections européennes.
Le « Collectif citoyen face à l’imposture politique et la diffusion des idées d’extrême droite »